Le Fugeret et son histoire
Les extraits de texte suivants sont tirés du livre "LE FUGERET mon
village" que vous pouvez consulter à la mairie.
Après avoir quitté le pays d'ANNOT, dès que nous entrons dans le territoire du FUGERET, la vallée subitement s'élargit pour former une vaste cuvette à la bordure dentelée avec sur les cimes, à droite, les échancrures plus marquées du Col d'Argenton, de la Rouïe, puis la crête s'abaisse graduellement vers le Sud-Est.
En nous tournant vers le versant opposé sur les sommets calcaires de la chaine du Puy de Rent de plus de 1850 m, la bordure d'abord dénudée, rectiligne, retrouve sa verdure de pins sur la Charmette, Roncharel, le Col d'Allons, Colle-Basse et sur les pentes abruptes poussent les genêts épineux, les rouvres, les noisetiers qui, petit à petit, en descendant, prennent la place des lavandes et s'emparent de quelques cultures qui persistent encore autour de la source de la Villette et des Esparam.
A la sortie du village, dans la grande échancrure qui coupe en deux les éperons rocheux du Mura et de la Clue, la Vaïre torrentueuse a frayé péniblement son passage et s'étire ensuite comme une couleuvre jusqu'au pont de Bontès.
Les communications
Pour accéder à ce lieu privilégié qui a retenu l'attention de tous ceux désirant s'y fixer deuis les temps reculés, la voie naturelle est celle qui remonte du Val qu'ont empruntée tous ceux qui remontaient d'en bas depuis les Gallo-Romains, les Templiers, les fuyards pourchassés par les invasions barbares, les colporteurs,etc...
De nos jours, la voie ferrée se faufile parmi les châtaigniers et se prélasse en zigzaguant au milieu des terrains. La route serpente le long des noyers avant de prendre son élan pour arriver de plein pied sur la place du village.
Ce pont qui sans doute a été restauré au moment de la construction du petit oratoire inscrit sur l'inventaire des Monuments historiques qui lui est accolé (en 1820) enjambe la Vaïre à la sortie du village...il possède comme tous les ponts des vallées alpines un charme certain accru ici par la proximité du village et forme avec lui un ensemble à conserver.
Des archives relativement anciennes ont pu être trouvées. Toutefois une
incertitude demeure : le pont est situé sur la route de COLMARS à
ENTREVAUX. La route actuelle en direction de COLMARS laisse le pont à
gauche, ne l'emprunte pas. Elle franchit la Vaïre 500 mètres plus loin,
sur un ouvrage moderne.
Le chemin de la province passait-il à cet endroit ou un pont aurait-il
été construit au coude de la Vaïre tombé en ruine aujourd'hui ?
L'eau, notre richesse
Un autre élément de vie et de richesse de ce pays est l'important réseau des canaux d'irrigation et d'alimentation qui tapisse la commune toute entière.
La VAIRE, cours d'eau principal, traverse la commune du Nord au Sud. Elle prend sa source à1800 m d'altitude au pied et au Sud-Est du nid d'aigle de Peyresc, au fond d'un thalweg entouré par les massifs calcaires du Cougnas, de Serre-Gros, de la Braisse et de l'Abéouradour. Elle représente la rivière vitale par excellence de notre belle vallée.
Quant aux sources elles sont toutes potables aux propriétés diurétiques remarquables.
Les SOURCES DE L'ADOUR qui prennent naissance au bas du flanc droit de la montagne de la Clap et qui captées en 1953 alimentent en eau les maisons du village tout entier, le hameau de Bontès, les colonies de vacances des Lumières et même une partie de la ville d'Annot.
La SOURCE DES FONTANILS, peu abondante, donne une eau douce. Elle naît dans une grotte appelée grotte des fées. Elle ne tarit pas, ne gèle pas et se jette dans la Vaïre 100 m plus loin.
Voici un topo de cette grotte pour information. Attention, cette grotte n'est pas équipée !Plus en aval, la SOURCE DU PONT DE VALLINO. Elle naît en bordure du lit de la rivière. Son eau très abondante, excellente, alimente les cinq grandes fontaines du village à trois bassins chacune.
Les deux SOURCES DE LA VILLETTE naissent sur le flanc de la montagne de Roncharel à 1050 m d'altitude. Leurs eaux sont également très potables. L'analyse a établi qu'on pouvait les utiliser pour la boisson.
Les SOURCES DE RONCHAREL ont étés captées par Annot et sont utilisées pour l'irrigation des terrains situés en contre-bas de cette commune.
Le Fugeret, station climatique
Bâti à 830 m d'altitude mais au fond d'une petite vallée, ceinturé en partie de sommets atteignant près de 2000 m, LE FUGERET ne jouit pas d'un ensoleillement total et il connaît des hivers alpestres, longs, assez souvent enneigés et assez rudes (-10°, -15°).
Mais, à 50 km environ à vol d'oiseau, s'étalent la Méditerrannée et la Côte d'Azur, et par la large échancrure de la basse vallée du Var, elles influencent profondément l'arrière-pays. Le village connaît le même ciel d'azur que Nice. Il a les mêmes étés très ensoleillés, chauds (+30°) et très secs, les mêmes pluies d'automne et de printemps souvent orageuses et torrentielles, le même vent dominant le mistral, essoufflé il est vrai, mais encore suffisamment puissant pour nettoyer le ciel en quelques heures, sécher la terre et la refroidir. En résumé, le climat du FUGERET n'est ni typiquement alpin, ni typiquement méditerranéen. Il est sain et propice à l'habitat et à des cultures variées.
L'économie
Replié autrefois sur lui-même par manque de voies de communication, devant se suffire à lui seul, le pays pratique la polyculture. La configuration des terrains, la variété des sols et la fertilité de la terre, le climat chaud de l'été, l'eau douce en abondance permettent des cultures très variées.
Depuis les temps les plus anciens on cultivait et on cultive encore :
- les céréales : blé, seigle, orge, avoine
- la pomme de terre, la betterave fourragère pour le bétail
- les graminées : trèfle, luzerne, sainfoin
- les arbres fruitiers : poiriers, pommiers, noyers, cognassiers, cerisiers, pruniers, sorbiers, néfliers.
Toutes ces cultures sont produites en petite quantité vu la faible étendue des surfaces cultivables.
Les châtaigniers constituaient et constituent encore l'une des ressources importantes.
A toutes ces cultures il faut ajouter les ressources tirées de l'élevage des ovins, des bovins, des porcs, des volailles, des lapins..., les ressources de la forêt, très étendue, pins, sapins, mélèzes, chênes, hêtres, frênes, peupliers.
La lavande qui poussait sur les terrains calcaires des flancs de la montagne, bien que non cultivée, était abondante.
Les champignons, la pêche, la chasse étaient et sont encore autant de ressources précieuses.
Mentionnons aussi quelques plantations de vigne sur les versants bien exposés. Après un été chaud où le raisin a pu mûrir suffisamment, on peut obtenir un vin peu riche en alcool certes, mais que l'on buvait pour raison d'économie.
Autrefois, le vin acheté dans le Midi n'était bu que les jours de fête et dans les cafés du village. Actuellement quelques propriétaires ont sélectionné des plants résistants et précoces et arrivent à obtenir du vin entre 10° et 11°.
La démographie
On peut savoir avec précision le mouvement de la population du Fugeret et de ses hameaux à partir du XIIIe siècle. On trouve la première mention écrite du Fugeret vers 1200, dans une grande enquête domaniale du Comte de Provence.
Le village aurait été créé entre 1135 et 1250. A partir de cette période, selon les statistiques en notre connaissance, on dénombre au Fugeret :
Le nom de la commune apparaît vers 1200 (Filiareto). Sa forme Feugeret (1251) provient de l'occitan Feuge, qui désigne une fougeraie, et du suffixe collectif -et. Le sens d'ensemble de fougères y est donc exprimé deux fois. (Source Wikipédia)
La vie culturelle
L'enseignement
Avant 1850, les notables avaient du mal à dispenser l'éducation. Vient ensuite une période au XIXe siècle où la communauté prend de plus en plus conscience des bienfaits de l'instruction, va choisir et rétribuer elle-même des religieuses, des frères, "maistre d'escole", laïcs ainsi appelés.
Avec l'avènement de la IIIe République au cours de laquelle l'Enseignement est devenu gratuit, obligatoire et laïque, les instituteurs et institutrices formés dans les Ecoles Normales sont rétribués par l'Etat mais la municipalité est amenée par la loi à fournir les locaux scolaires et le logement des maïtres.
La municipalité du FUGERET s'est préoccupée très vite de ce problème. Elle a acheté sur la place du village même ce beau bâtiment actuel qui venait d'être construit. Elle l'aménagea aussitôt en local scolaire de fonction.
La langue
La langue parlée, c'était le patois, dialecte tiré du provençal usité dans toute la Provence, mais avec des nuances d'une vallée à l'autre et même pour une même vallée, d'un village à l'autre, notamment dans la prononciation.
Le français va progresser par le simple développement de l'instruction à l'école, la lecture le soir du journal local et peu à peu, par l'arrivée de nouvelles générations, la mutation va se faire, si bien qu'en 1900, seuls quelques vieillards utilisaient uniquement leur dialecte et ne parlaient pas français.
Les activités artistiques
L'enseignement mis à part, il ne faut pas croire que les habitants de notre terroir ne s'intéressaient pas à tout ce qui touche au domaine de la culture et des arts :
- le dessin et la peinture
- la littérature et la poésie
- la sculpture
- le chant et la musique
- le folklore et la danse
Les magnifiques tableaux de l'Eglise du village (XVIIe), les fresques dans la chapelle, les pierres sculptées sur les frontons des portes et des oratoires avec les croix de fer forgé, témoignent d'un goût artistique remarquable.
De nombreaux peintres contemporains, amateurs ou professionnels, ont peint les beaux paysages de notre commune. Certains ont acquis une célébrité et les peintres actuels du canton d'ANNOT (Yvon Grac, Claude Troin, Jean-François Calvi) qui exposent dans les salons spécialisés ont tous une attache plus ou moins profonde dans notre commune.
N'oublions pas Pierre Arcambot, natif de Braux, retiré à Chabrières, qui a obtenu en 1978 le grand prix naïf de la Ville de Nice, l'Aigle d'or.
Le Fugeret, son histoire
Le nom actuel du village apparaît pour la première fois en 1232 comme Castrum de Fugeret. On le retrouve ensuite (de Feugaraito) dans une enquête de Charles 1er en 1252. En 1264, existaient 33 feux (un feu correspond à 4 ou 5 habitants).
La première croisade eut lieu de 1096 à 1099, ce qui correspond au début de l'histoire écrite du Fugeret. On sait peu de choses sur la participation des gens du Fugeret aux croisades, de la première à la dernière (1270), conduite par Saint-Louis.
Les Templiers auraient eu leur principal établissement dans la région au Fugeret. Il aurait existé un couvent, situé vraisemblablement à proximité de l'église actuelle. Les pierres de ce couvent, une fois démoli, auraient-elles été réemployées dans d'autres constructions du village ? On peut en effet remarquer que l'encadrement de plusieurs ouvertures de maisons est formé de belles pierres taillées qui proviennent de façon évidente d'une construction disparue de qualité.
La Roudoule fut à l'origine de la catastrophe du 20 octobre 1525 où, grossies par les pluies diluviennes, ses eaux envahirent Puget-Théniers emportant le vieux pont romain et tuèrent 78 personnes. Par son ampleur, la catastrophe provoqua la fuite d'une partie de la population de Puget-Théniers vers le Val Chanan (Puget-Figette actuel Saint-Pierre dans le département des Alpes-de-Hautes-Provence) et au Fugeret (hameau d'Annot) (Sources provenant de Wikipédia).
A partir du règne de Louis XIII, des documents d'archives existent pour le Fugeret qui font état de procès ou d'actes notariaux concernant des habitants de la commune.
Pour ce qui est de la vie des gens durant le règne de Louis XIV, on sait que depuis 1674 un courrier bimensuel reliait Annot à Aix par charrois de mulets. Des Fugeretans l'ont sans doute utilisé. Pour la première fois, des archives nous montrent l'effort de la mise en place d'une organisation pour l'instruction des enfants au Fugeret.
Le Fugeret a dû subir comme toute la région les rigueurs et les conséquences des grands froids de l'hiver 1709 durant lequel une grande quantité d'arbres, de vignes gelèrent. On raconte que le Verdon demeura entièrement pris par la glace pendant trois semaines à tel point que l'on passait à pieds secs.
On peut avoir quelques idées des conditions de vies au Fugeret au
XVIIIe siècle en lisant la relation faite par un juge d'un séjour qu'il
fit au village en 1738. D'après lui, ni boulangerie, ni boucherie, ni
marché dans la commune.
"On n'y tue ordinairement qu'une bête le dimanche et les habitants
comme les cabaretiers sont dans l'usage de se procurer ce qui leur est
nécessaire dans la ville d'Annot ou de Méailles. La nourriture
ordinaire de presque tous les habitants est le pest qui est une soupe
avec la farine de légumes. En cet endroit, la plupart des maisons,
comme toutes celles de la montagne, sont des chaumières."
Le juge trouva à se loger chez la veuve Gras, mais ayant été incommodé
par des punaises, il fit monter le lit au galetas. Il y dort sur une
mauvaise paillasse, toute remplie de feuilles.
Un fait qui eut son incidence sur le Fugeret fut l'importance de plus en plus grande prise par l'arsenal de Toulon à partir de 1830. Comptant de 3000 à 4000 salariés, il allait offrir des emplois à toute la région, et des Fugeretans aussi allèrent y travailler.
Durant le Second Empire, le Fugeret n'est pas encore touché par les grands changements de l'économie française. Ce qui aura le plus d'influence à long terme est le rattachement, cette fois-ci définitif, du Comté de Nice à la France en 1860.
En 1936 le Front populaire, 1939 la guerre.
Une vingtaine d'hommes mobilisés, les uns, ceux du service actif, pour le combat, les autres, les réservistes, pour l'arrière.
Et pendant le régime de Pétain, la résistance s'organisait en France. Le Chastel, Saint-Pierre, furent des lieux de refuge des maquisards de la région. Le Fugeret subit une seule fois la visite de l'armée allemande, le 17 juillet 1944. Ce jour là, lors d'une opération contre les maquis bas-alpin, un détachement de l'armée allemande occupa le village, puis prit position sur le tunnel de la Louvière, et au Murra, ancien poste de guet, d'où l'on pouvait surveiller à la fois la route d'Annot et celle de la Colle St Michel.
L'électricité qui depuis le début du siècle était produite au village par l'entreprise de menuiserie Raynaud sera désormais fournie par le réseau EDF, avec une puissance accrue. En 1951, c'est le chantier de l'adduction de l'eau : l'eau prise à la source située en aval du pont de Méailles arrive jusqu'à Bontès et aux Lunières.
Le cinéma ambulant durant plus de 10 ans (dans les années 50) offrait sa séance hebdomadaire du dimanche, d'abord au café Sauvan, puis à la salle des fêtes.
Actuellement, la commune subit une profonde mutation. Les agriculteurs traditionnels ont disparu. Une seule famille au village cultive la plupart des terrains, combinant à cela l'élevage des moutons.
Les résidents actuels soit sont des retraités, soit ont des métiers les plus divers : maçons, ouvriers à Annot à la biscotterie, à la charcuterie ou à l'entreprise de travaux publics Cozzi. Un peu de commerce subsiste : un café restaurant, une épicerie. L'entreprise de menuiserie Raynaud qui fonctionnait depuis près d'un siècle a elle aussi fermé ses portes voici quelques années, de même que deux des trois cafés existants.
Le passant qui observe durant une journée d'hiver les maisons du village sera frappé de voir le nombre de celles qui ont leurs volets fermés. Un regain d'activité se manifeste certains week-ends, et surtout l'été, avec l'arrivée des estivants dans leurs résidences secondaires.
Le Fugeret avec la mutation qu'il subit et les habitudes de vie moderne qu'il a prises, gardera-t-il une identité ?
C'est ce qu'il faut souhaiter.
Paul LEYDET